Une liberté acquise est d’abord une liberté conquise.
Le peuple sénégalais s’est battu et a préservé la démocratie sans solliciter une intervention militaire.
Le peuple malien en 2020 a ouvert la voie à une intervention militaire pour régler la crise avec le pouvoir. En 2024 les militaires sont toujours au pouvoir au Mali sans aucune perspective de retour au pouvoir civil. Les partis politiques sont interdits d’activités, les libertés sont bafouées.
Le colonel AHO Philippe, ministre de l’intérieur du général Christophe SOGLO a déclaré en décembre 1965 à Porto-Novo, en fongbé que je traduis en français, » Le pouvoir est comme le sein d’une femme, il est si doux que lorsque l’on commence à le sucer l’on n’a plus envie de le laisser »
Quand j’étais étudiant on distinguait les coups d’Etat:
-Conservateur visant à maintenir le régime en place contre les assauts révolutionnaires,
-Réactionnaire, visant à éliminer un pouvoir progressiste pour revenir à l’ordre ancien ;
-Progressiste tendant à installer un pouvoir progressiste.
En réalité, tout coup d’Etat est une confiscation de la souveraineté du peuple, d’autant que la volonté du peuple est le fondement du pouvoir des gouvernants, et cette volonté doit s’exprimer régulièrement par des élections libres, transparentes, régulières, honnêtes et inclusives. Le pouvoir s’acquiert au fond des urnes et n’est donc pas au bout du fusil.
Si un militaire veut exercer le pouvoir politique, il démissionne de l’Armée et sollicite le suffrage du peuple souverain.
En octobre 1963, suite à l’affaire BOHIKI, les manifestants scandaient « Armée au pouvoir « . Le coup d’Etat militaire du 28 octobre 1963 va ouvrir un cycle d’instabilité politique dans notre pays et aucun pouvoir politique n’ira jamais au terme de son mandat avant la Conférence nationale souveraine de 1990. Ainsi, le pouvoir du Parti dahoméen de l’unité (PDU, coalition MAGA et APITHY) devant s’achever en 1965 a été renversé en 1963 par le coup d’Etat du colonel Christophe SOGLO. Le régime du Parti démocratique dahoméen (PDD alliance APITHY et AHOMADEGBE) devant aller de 1964 à 1969 va s’effondrer avec le coup État militaire du 30 novembre 1965 du général Christophe SOGLO. Le régime militaire du général SOGLO installé en 1965 sera à son tour éliminé par le coup d’Etat militaire des jeunes cadres de l’armée sous l’autorité des colonels d’Alphonse ALLEY et Maurice KOUANDETE, auteur du coup d’Etat qui sera le Chef du gouvernement ALLEY étant le Chef de l’Etat.
Le pouvoir du Président Émile DERLIN-ZINSOU installé par les militaires dont le mandat devrait aller de 1967 à 1972 sera à son tour écarté avec le coup d’Etat des colonels Émile de SOUZA, Benoît SINZOGAN et CHASME en 1969. Le Conseil présidentiel composé des anciens Présidents MAGA, AHOMADEGBE et APITHY pour un mandat de 6 ans avec une présidence tournante de 2 ans par chacun des 3 membres va disparaître le 26 octobre 1972 avec le coup d’Etat du colonel Mathieu KÉRÉKOU et des capitaines Michel AÏKPE et Janvier ASSOGBA. Le Gouvernement militaire révolutionnaire ( GMR) issu de ce coup d’Etat, devenu un État à orientation socialiste sous l’autorité du Parti de la Révolution populaire du Bénin ( PRPB) va disparaître avant le terme du mandat du Président KÉRÉKOU avec la réussite de la Conférence nationale des forces vives de la Nation sans intervention de l’Armée , car elle fut le fruit de la mobilisation du peuple à travers la paralysie de l’Etat consécutive à l’effondrement économique de l’Etat , aux et constantes violations des libertés fondamentales et surtout les grèves courageusement organisées par certains syndicats et le Parti communiste du Bénin ( PCB). Depuis 1991, chaque Président de la République élu est allé au terme de son mandat. Battu en 1991, le Président KÉRÉKOU a accepté sa défaite et a transmis le pouvoir au vainqueur Nicéphore Dieudonné SOGLO qui se retire en 1996 suite à sa défaite face au Président KÉRÉKOU. Après ses deux mandats constitutionnels, le Président KÉRÉKOU passe le témoin au nouveau Président de la République élu, Thomas Boni YAYI lequel à son tour après ses deux mandats cède le fauteuil présidentiel en 2016 au nouveau Président de la République issu des urnes.
Cette stabilité politique est facilitée par l’impartialité et l’intégrité des organes de contrepoids comme la Cour constitutionnelle dont le juste et régulier arbitrage des querelles politiques ferme la voie au prétexte de l’intervention des militaires dans le champ politique qui n’est pas leur domaine de compétence, compétence appelée à se manifester, en cas de nécessité, sur le champ de bataille.
Cette stabilité fondée sur la légitimité des gouvernants, garantit la paix sociale, la cohésion nationale, l’alternance démocratique et le développement qui assure à chaque citoyen le pain et la liberté indispensables à sa dignité.
Telles sont les raisons qui me rendent réfractaire au coup d’Etat, qu’il soit militaire avec la confiscation de la souveraineté du peuple par l’Armée, ou qu’il soit civil se traduisant par la manipulation de la Constitution en vue de la conservation du pouvoir par les gouvernants en fonction.
Pr. Théodore HOLO